L’UCNA est un vrai club cyclotouriste au sens où si nous aimons rouler en semaine ou le dimanche, sillonnant inlassablement les routes du département, voire au-delà, notre préférence va aux voyages itinérants. C’est un gène baladeur qui nous a été transmis par nos anciens qui n’hésitaient pas à partir plusieurs semaines découvrir la France avec vélo, sacoches… et épouses pour les plus chanceux[1]. Nous tenons cela d’eux et les en remercions à chaque circuit.
Cette année, après la blessure de Jean-Claude, meilleur cyclotouriste que jardinier, nous avions repoussé notre voyage annuel et seuls trois d’entre nous l’avaient transformé en un aller-retour vers la Creuse dont nous aurons l’occasion de reparler… Donc nous nous sentions orphelins de macadam, vaches alanguies, chiens bruyants, côtes traitresses et descentes grisantes… Jusqu’au moment où Maryvonne et Jacques ont eu l’heureuse idée de monter ce voyage à Guerlédan.
Pourquoi Guerlédan vous demandez-vous in petto[2] ? Eh bien pour la beauté du parcours, l’intérêt du séjour, l’observation du lac vidé de son eau et avant tout, le plaisir d’être et de rouler ensemble !
Ce n’était pas une mince affaire car si le lac de Guerlédan est situé en fond de vallée, il est entouré de ces pittoresques collines de la Bretagne centrale qui n’ont pas la prétention des pentes alpines ou pyrénéennes, mais affichent de vrais reliefs qui justifient la devise bretonne transmise de génération en génération : « À Morlaix, mords-les ! » « À Guerlédan, serre les dents ! ».
Ce sont donc neuf parmi les meilleurs d’entre nous qui, le 2 septembre, se sont donnés rendez-vous au Pont du Cens pour se rendre en 2 jours à Mur-de-Bretagne, située sur la limite entre les Côtes d’Armor et le Morbihan. L’objectif du groupe, car il serait inélégant de partir sans un objectif, est de visiter le barrage de Guerlédan susnommé, dont la retenue d’eau a été vidée en avril 2015 pour vérifier l’état des installations hydroélectriques construites sur le Blavet dans les années 1925. Vous apprécierez au passage la richesse d’un club où la conduite nez-dans-le-guidon est fermement proscrite, au profit de l’excitation permanente des neurones, version histoire-géo. Chez nous, le muscle est aussi entre les deux oreilles !
D’ailleurs, preuve immédiate ; la première étape nous conduit à Rochefort en Terre, village pittoresque et caractéristique de l’habitat breton. En quoi ? Eh bien mon informateur ne m’en a pas donné l’explication… Peut-être tout simplement, parce que le village est construit autour du château, lui-même sur un éperon rocheux et à l’emplacement d’un village gallo-romain. Ainsi, quand un homme se poste sur ledit éperon pour satisfaire un petit besoin, comportement dont les mâles raffolent, excipant d’une petite différence physiologique, donc, dans ces circonstances, vous perpétuez une tradition vieille de plus de 1500 ans ! Ce n’est plus un soulagement, c’est carrément de l’euphorie !
Pour atteindre Rochefort, selon les circonstances, le groupe emprunte ou pas des tronçons du canal de Nantes à Brest, toujours sous le soleil qui ne nous a pas quittés du voyage et nous propose des jeux d’ombre et de lumière superbes mais pas faciles à traduire en photos. (Ce dernier membre de phrase transmis par mon informateur préféré pourrait s’écrire autrement « Si vous pensez que je vais descendre de vélo, chercher mon appareil dans ma sacoche gauche, ne pas le trouver, demander à Christiane, me souvenir que je l’ai rangé dans ma sacoche de guidon pour l’avoir à portée de main, le trouver sous les sandwichs, le sortir de sa housse, l’ouvrir, préparer la visée, chercher le bon angle et les fameux jeux d’ombre et de lumière superbes mais pas faciles à traduire en photos… Pour m’apercevoir que tout le monde est passé, que mon image sera vide et que je reste seul à devoir tout ranger avant de faire un forcing pour rattraper le groupe… Il n’en est pas question ! » C’est la raison pour laquelle le plus grand nombre de photos sont prises à table, au moment où le photographe est assuré que chacun reste à sa place. Mais évidemment, les jeux d’ombre et de lumière superbes mais pas faciles à traduire en photos ne sont plus de circonstance… Dilemme du cyclo-photographe dont la tâche est, reconnaissons-le, bien ingrate.)
Les ombres et les lumières, on verra plus tard !
Le matin du deuxième jour propose un départ dans la fraicheur avec ses 9°C. Patrick a pris la mesure du comportement de la remorque Bob récemment acquise par la section cyclo pour promouvoir les voyages itinérants. Il faut tirer dans les côtes et la retenir dans les descentes, mais l’exercice est vite compris et heureusement, car dès que l’on quitte le Canal, il n’y a plus rien de plat. La remorque Bob est un fantasme cyclotouristique avec le tricycle couché et le cyclo-camping ; rouler en traînant une remorque est du dernier chic et fait rêver tout le monde… Mais se paie au prix fort à la première déclivité car l’engin pèse son poids et le rappelle immanquablement. J’ai souvenir d’un certain voyage en Gascogne où l’ami Milou a, au milieu, fébrilement retourné au domicile par chronopost un fourbis hétéroclite qu’il avait cru devoir charger en se disant que la remorque simplifiait tout ! Cette année, c’est heureusement Patrick qui s’y est collé car il a tout le potentiel physique voulu. Bob, c’est un truc à tirage unique ; jamais deux fois !
La matinée est calme et seuls les cyclistes que l’on croise viennent briser le silence. Là, l’informateur suppose que personne ne parlait ; je n’y étais pas, mais j’émets un léger doute connaissant les participant(e)s… L’observateur attentif remarquera que, par cette parenthèse délicatement incluse, comme un béret basque sur la tête de notre ami François, j’égalise les sexes et ne me livre pas à une trop facile et approximative caricature féminine.
Le château du fils d’Alain (de Rohan)
L’arrivée sur Josselin est toujours brutale et surprenante quand le château apparait soudain au détour d’un virage. Josselin est une ville créée en l’an mille par Alain de Rohan qui donna à la ville le nom de son fils, Josselin. Comme quoi on peut être noble et farfelu. Le blason de la ville se décrit ainsi : au un de gueules au lion d’argent couronné d’or ; au deux, aussi de gueules au château d’or donjonné de trois tours, ajouré de sable, au franc-canton d’hermine. À elle seule, cette description vaut le voyage. Cela me rappelle notre logo « Fleuve tumultueux au pédalier d’or, hérissé sur fond d’azur. »
Tout l’après- midi c’est le défilé des écluses, espacées ou en escaliers. Chacun y va de son commentaire sur la beauté du site ou le côté titanesque de l’ouvrage. Fin connaisseur de l’Empire et passionné du canal où il nous mène régulièrement, Yves nous parle « tirant d’eau », « motivation de la construction », « conditions d’exploitation ». Il nous dit comment l’ouvrage a été lancé par Napoléon 1er en 1803 et inauguré en 1858 par Napoléon III. Il est vrai que les petites expositions et photos « d’époque » tout au long du trajet interpellent le touriste sur cette page d’histoire. Ce paragraphe pour confirmer le haut niveau intellectuel des pérégrinations ucénistes. Ça roule tranquille, mais ça vole haut !
Les « crapahus » et le « repas du midi » ne sont pas négligés. Bien sûr, vous vous en doutiez, mais c’est pour rassurer les candidats au prochain voyage, facilement inquiets des pique-nique improvisés.Précisons qu’en langage militaire, un crapahute est une sortie terrain difficile. ici, on évoque plus simplement un pique-nique, version édulcorée…
Crapahut version pique-nique. De la gauche : Patrick, Maryvonne, Rémi, Yves, Jacques, Christiane, Milou, Roger et Marceline. Jean-Claude photographie ! Remarquez les ombres etc…
Quand il faut quitter le Canal pour rejoindre Mur de Bretagne, la route n’est plus la même et l’on comprend bien pourquoi les coureurs bretons se s’ont fait une réputation dans ces « montagnes russes ». Les sacoches ne nous aident pas, mais quand même !!!
A l’arrivée, et avant même de prendre possession des bungalows, nous nous précipitons pour voir ce qui a motivé notre voyage: LE BARRAGE construit sur le Blavet. Les quatre jours qui suivent vont être consacrés à en faire le tour et visiter les petits musées qui expliquent les « pourquoi » et les « comment » qui s’y rapportent. Toujours le voyage intelligent, confers plus haut.
Le vidage de la retenue révèle l’ancienne écluse sur le BLAVET ainsi que la maison de l’éclusier et les arbres momifiés. (Je les imagine plutôt pétrifiés, mais sans doute mon informateur exprime-t-il ainsi à son épouse un vif désir de visiter l’Egypte.) Après un sicle d’immersion totale, ils sont toujours là ! On voit aussi que la nature reprend vite ses droits puisqu’en quelques mois, l’herbe a regarni les zones découvertes.
Chaque « bout de route » est l’occasion de découvrir la richesse du patrimoine des villages bretons, leurs églises et chapelles, telle Notre Dame de Quelven, auxquelles sont souvent associées ces fontaines dotées de « pouvoirs ».
La fontaine miraculeuse… Ne rend pas les jambes de 20 ans !Ça, je ne sais pas ce que c’est… Lit d’époque, souvenir personnel du photographe …
Pendant 4 jours Jacques et Maryvonne, grands connaisseurs des lieux et ayant minutieusement préparé cette expédition, nous emmènent sur les petites routes autour du lac. Nous verrons Rohan, Pontivy, le site de Castennec, le musée de l’électricité à Saint Aignan et chaque jour nous ramasserons, cèpes, coulemelles et girolles que Christiane préparera pour accompagner l’apéritif du soir. Petite touche gastronomique qui montre l’association des neurones et des papille dans notre club.
Christiane, grande mycologue et cuisinière
Aux Forges des Salles, haut lieu de la sidérurgie bretonne du 19ème siècle, et dont l’activité est étroitement liée à la construction du barrage, nous consacrons une bonne partie de l’après-midi. Je traduis « On a glandé en regardant un habitat 19ème reconstitué, la forge et des bâtiments en bon état, avant de somnoler sur les pelouses. »
Forges, on tâte le terrain avant la sieste…
La convivialité n’est pas oubliée et une visite chez la Maman de Maryvonne sera l’occasion de « faire un quizz » dont Lucien sortira en brillant vainqueur. Encore un point fort UCNA ; la chaleur humaine et le plaisir de partager de bons moments.
Un grand merci à Jacques et Maryvonne pour les 4 jours de visite formidablement préparés, à Christiane pour les 4 jours « aller et retour », et à tout le groupe pour la chaleureuse ambiance qui a régné pendant ces 8 jours de voyage.
Sur les 12 participants à ce périple, nous serons 5 à rentrer à vélo, mais toujours avec la même ambiance et le même plaisir !
On ne saurait mieux dire. Bravo Jean-Claude pour ce compte-rendu que je me suis permis de commenter et pour tes images avec leurs jeux d’ombre et de lumière superbes mais pas faciles à traduire en photos !
[1] Le rédacteur pratique désormais le politiquement correct et ne tient aucun compte de ceux qui préférent partir sans leurs épouses.
[2] Cette formule latine n’a aucun rapport avec une quelconque émanation gazeuse – le « pet » comme chacun sait s’écrivant « crepitus » en latin, évoquant une joyeuse fulgurance – mais vise une pensée secrète que l’on n’exprime pas.