Bien que plus modeste que TF1, l’UCNA s’enorgueillit de mener en son sein de grands débats, de ceux qui entrainent l’opinion et scindent une communauté en blocs opposés, mais toujours fraternels. Du moins ces questions se traitent-elles dans la cordialité ; personne ne lance d’imprécation ni d’œufs contre quiconque, les juges les plus exigeants n’y voient rien à redire et nos dossards de cyclos ont été payés sans barguigner.
En l’occurrence, le débat portait sur un certain voyage organisé par notre prestigieuse fédération vers la Crète, laquelle, hérissée en feuille de houx, est couchée en face d’Athènes et Sparte, comme pour piquer les fesses des orgueilleux grecs, et semble interdire aux îles Cyclades de sortir de la mer Égée. Longue de 200 km, elle est large de 60 et, ce qui intéressera nos cyclos, elle culmine à plus de 2500 mètres. Et c’est bien cette épine montagneuse qui fait l’objet du débat.
La Crète en bas de l’image…
Catherine et Martine font du vélo
Catherine et Martine font du vélo et, dans l’idée de découvrir le monde, elles se sont inscrites pour un circuit itinérant de 10 jours en Crète, avec des étapes entre trente et cent kilomètres, dont 8 jours de visites, pauses, photos de paysages et temps morts pour lézarder au soleil. La question clé se pose alors : est-ce vraiment faisable dans l’état de forme de nos deux cyclotes ?
Pour Martine, pas de problème. « C’est du vélo relax en grand groupe, je connais très bien l’accompagnateur qui est un homme d’expérience…au mitan, de la vie. Il modulera son allure sur la notre… » Elle n’a donc besoin de personne d’autant que le groupe aura un véhicule accompagnateur pour « les jours où l’on se sent un peu flemmarde. »
Catherine, elle, ne nourrit aucune illusion sur sa forme actuelle, mais se projette allègrement dans l’avenir. « Je ne suis pas enforme éblouissante, je suis la dernière et on m’attend partout, mais il me reste encore deux mois. »
Par sécurité, nos deux amies ont calé une semaine d’entraînement en Auvergne, pour faire un stage au centre FFCT, sur le thème « mécanique féminine », lequel, contrairement à ce que son intitulé pourrait laisser penser, n’est pas un cours de physiologie du corps féminin, mais vise la mécanique du vélo vue par les femmes ! L’étrangeté de cet intitulé en dit long sur la profondeur de vue des organisateurs dudit stage, fédéral évidemment.
L’insupportable courtoisie à l’ancienne des mâles de l’UCNA n’ayant jamais permis à aucune femme de réparer la moindre crevaison, nous attendons avec impatience, au retour de ce stage, le moment où l’un d’eux ayant crevé, Catherine et Martine sauteront de leurs machines pour venir changer la chambre, mains dans le cambouis et commentaires appropriés à la bouche. Cette égalité hommes/femmes fait partie des progrès de l’époque et nul doute que les autres filles du club auront à cœur d’emboiter le pas de leurs petites camarades.
Mais cette compétence mécanique n’est pas l’essentiel pour Martine car chaque jour du stage, une sortie d’une demi-journée en montagne sera organisée, lui permettant d’atteindre la forme idéale dès le port d’Héraklion.
Catherine ne partage pas le même optimisme. « J’appréhende le dénivelé. En pédestre, pour grimper 1000 mètres, il faut être en forme. J’ai regardé les montagnes de Crète… » Elle reste pensive et elle a raison car nous les avons regardées, nous aussi. Et il faut reconnaître que le massif du Lefka Ori culmine à 2.453mètres, le mont Psiloritis lui fait la nique avec trois mètres de plus et le massif du Dikti à 2.148. C’est autre chose que la grimpette de Champtoceaux ! Entre eux, le guide parle sobrement de gorges profondes… Et on sent Catherine, vélo sur le dos, prête à sortir son piolet pour escalader…
- Ta ta ta ! Fait Martlne, les dénivelés se cumulent dans la journée, c’est pas comme une échelle de corde.
- Je sais que non, mais avec le club, je n’ai jamais fait plus de 600 m de dénivelé et il va falloir aller jusqu’à 1.000 en positif ! La route est longue jusqu’à 1.000 et j’appréhende.
Ce terme choisi pourrait signifier que Catherine se voit déjà lâchée en pleine montagne, sous l’implacable soleil crétois, asphyxiée dans le fossé au milieu des vipères et des scorpions, sous le regard narquois des chèvres indigènes.
Autoroute crétoise…
- Calambredouilles, lance la copine. Puis, se tournant vers nous : « Elle a 15 ans de moins que moi, une forme éblouissante et va réussir dix fois mieux. »
- J’essaie de garder un bon mental, proteste Catherine, je le travaille en même temps que mes quadriceps. Je n’accepte de faire des trucs de dingue comme la sortie de reconnaissance du Loroux Bottereau dimanche dernier, à fond les ballons avec le vent et les collines du vignoble, à 20,3 km heure de moyenne que parce que je pense à la Crète.
Là le lecteur reconnaîtra la performance car, ainsi que nous vous l’avons narré dans un précédent article, le Loroux est une épreuve même pour les meilleurs. C’est bien pour cela que l’UCNA l’organise, mais se garde bien de la parcourir. Les collines du vignoble désert soumises au vent d’Ouest d’un printemps réfrigorant, mettent le cyclotouriste le plus aguerri au bord de la défaillance. Et l’on ne peut qu’admirer la performance de notre consœur… Qui poursuit…
Le rêve final… pour ceux qui auront surmonté les obstacles…Après tout, Hercule lui-même a eu 10 travaux !
- Quand j’en reviendrai et que je n’aurai plus cette motivation, je n’ai pas compris où est le plaisir de la vitesse… Toutes les sorties tranquilles du mercredi ou du jeudi avec arrêt café et pipi tranquillou, me vont très bien ! Dimanche, Patrick a retenu les chevaux et a arrêté le groupe pour me permettre un moment d’isolement… Rentrée, lavée, repue, j’ai poursuivi par une sieste comateuse d’une heure et demi !
Mais, Loroux ou pas, Martine ne lâche pas le morceau.
- L’organisateur a trouvé que la moyenne de 20 était cyclosportive ! « Ne vous tracassez pas pour ces questions. » Il m’a écrit « Vous irez plus vite que les accompagnateurs qui ont le poids des ans ! »
- Peut-être, mais moi, je contrôle la distance, la moyenne et le dénivelé et je m’inquiète.
- Tu vas arriver avant moi à Héraklion et tu prendras l’avion d’avant pour rentrer à Nantes !
Qu’arrivera-t-il à nos deux amies ? Sauront-elle vaincre les mythologiques difficultés crétoises ? Pourront-elles vraiment apprécier leur ouzo puis leur moussaka suivie de poulpe grillé sur les rives du port ? Trouveront-elles un Zorba complaisant pour les initier au sirtaki ?
Vous le saurez en lisant la suite de notre chronique : Catherine et Martine font du vélo… Il manque cruellement la photo des deux héroïnes, mais le jour où l’interview a été réalisée, l’appareil photo du reporter refusait de fonctionner. Si vous en avez, n’hésitez pas à les envoyer.