Robert Dandin fête ses 90 ans !
Nous nous sommes réunis au club le 23 Juin dernier, pour un événement peu banal ; notre ami Robert fête ses 90 printemps et plus de 60 ans de vélo. Il faudrait, bien sûr, décompter les années où Lucienne son épouse et Robert ont dû arrêter le vélo quand leur fils Jacques est arrivé, mais cela semble bien dérisoire. Car Robert est précis, toujours soucieux de ne pas embellir la réalité et trahir la vérité pour le plaisir d’une bonne chute… à sa propre histoire.
Cette passion pour la vérité ne l’empêche pas d’être bon vivant et d’aimer les contacts avec les copains et la vie de club. Robert est un cyclotouriste au sens propre du terme ; cyclo par nécessité au début puis par passion ensuite, touriste par nature. Chez lui, le chronomètre n’existe pas, la moyenne n’a aucune importance, la distance parcourue est secondaire. Il n’a qu’un brevet, de 150 km, passé sans doute par erreur ! Mais les sites visités, les monuments, les panoramas, la gastronomie locale et les pauses rafraîchissement prennent tout leur sens. Il savoure la compagnie et l’amitié de ceux qui l’entourent et la beauté des routes de France qu’il parcourt.
Tout a commencé après la dernière guerre, vers 47, quand Robert grand adolescent découvre le cyclo camping en week-end avec sacoches avant, arrières et sac de guidon. À l’époque, il ne s’agissait pas de s’installer dans un camping étoilé où tout est prêt pour le confort du client de passage car il n’y en avait pas ; les temps étaient plus rustiques. Il évoque avec plaisir « Les arrêts le soir dans la nature, près d’un ruisseau ou d’une fontaine avec l’eau pour la boisson, la toilette et la cuisine. Puis la recherche de bois mort, le feu qu’il faut lancer en soufflant doucement et le spectacle qui commence ; la flamme jaillit et scintille, le bois sec pétille, la nuit et les étoiles, un univers féérique… Et le matin, réveil au chant des oiseaux ». Sans oublier, pour ne pas trahir la vérité, les popotes noircies au noir de fumée qu’il fallait mettre dans des sacs pour protéger les sacoches.
« Cela n’a duré qu’un temps dit-il avec nostalgie, il fallait aller de l’avant, toujours plus vite. C’est la vie. »
Vers 1948 Robert s’inscrit au CCN, le Cyclo Club Nantais, place Graslin, où il fait la connaissance de Lucienne, sa future épouse qui travaillait aux Docks de l’Ouest et partageait sa passion du vélo. Attentif à lui rendre la vie plus agréable, il s’équipe : « J’ai acheté un réchaud à essence très léger Optimus, dit-il, que j’ai toujours. ». Et commence la belle litanie de voyages que connaissent les couples privilégiés qui partagent le plaisir du vélo. En été, dit Robert, nous partions souvent camper en vélo le week-end car nous n’avions pas de voiture ; nous allions au bord de la mer, de St Brévin à St Jean de Monts, entre 100 et 140 km et reprenions le travail le lundi matin, heureux de ces moments de grande détente.
En même temps que l’UCN, avec beaucoup de membres du club, Robert a fait partie du groupe de marche Air et Soleil. Les marcheurs venaient à la Marche aux Boudins et rencontraient les adhérents de l’UCN. « J’ai créé un groupe de vélo, rappelle-t-il, avec Gérard Bachelot, André Bléteau, René Racineux, Robert Chauvel et d’autres, orienté vers les épouses qui roulaient plus doucement, pour ne pas les oublier. J’ai participé à de nombreuses concentrations dont celles de Rennes organisées par Ouest France. On partait le samedi matin en individuels à deux ou trois, certains dès le vendredi soir et on se rendait sur les lieux en vélo. Sur place, pas de circuits préparés, mais une fête et des contacts heureux. Le club qui totalisait le plus grand nombre de kilomètres, remportait la coupe. Et nous sommes souvent revenus avec… Sans jamais oublier de passer à l’arrivée au Café de la Bonde, là où Madame Fleury la mère des cyclos, patronne du café, nous attendait quelle que soit l’heure. Et c’était la fête avec les copains, Georges Sédilleau, Roger Théot et les autres. C’était le bon temps. » D’où, sans doute, l’expression de « Faire sauter la bonde ! »
Puis le CCN a été dissous et, avec quelques amis, Robert a débarqué à l’UCN en 1950, année dont il se souvient parfaitement car c’est celle de son mariage. « C’était, dit-il, un club beaucoup plus important. »
À la suite de la démission de Roger Théot, Robert a été élu délégué départemental de l’Association Nationale des Demi Siècles ; les plus de 50 ans. « Nous étions une trentaine, rappelle-t-il et organisions une fête annuelle interclubs avec des repas très animés, dont à Barbechat avec le cuistot Claude Moreau. » Robert a obtenu la médaille d’or des demi siècles en 86 au Cellier.
Robert a deux grands souvenirs qui restent les temps forts de ses périples ; son voyage de noces sur la Côte d’Azur et une descente dans les Pyrénées. Pour le premier, réalisé après son mariage, Lucienne et lui avaient pris les 15 jours de vacances seulement, attribués à l’époque. « Nous sommes partis à Lyon en train, puis nous avons pris nos vélos pour descendre la Vallée du Rhône, direction Côte d’Azur. Puis ce furent Montélimar, Orange, Marseille et Toulon. Robert se souvient « Sur la Côte, on allait dans les campings, mais les gens y venaient faire la fête c’est à dire chanter et discuter toute la nuit puis dormir le jour. Nous étions à l’inverse et nous ne pouvions pas dormir. Le dernier jour nous ne nous sommes pas privés de réveiller nos voisins en partant tôt le matin. » Modeste, mais juste vengeance.
Tous deux sont remontés par Cannes, Gap, la route Napoléon, Grenoble et Lyon. Il se souvient. « Nous avons couché dans les réserves de foin des granges désertes car les animaux étaient à l’alpage et nous gagnions du temps en évitant de monter la tente. On y accédait par une échelle. Quiconque n’a pas dormi dans le foin d’une grange ne connaît pas le vrai bonheur. Toilette et remplissage des bidons se faisaient dans les ruisseaux croisés sur le chemin. On ne parlait pas de pollution. Puis ce fut le train de Lyon à Nantes. »
Il poursuit « Et quelques années plus tard, toujours sans enfants, nous sommes descendus en train à Bagnères de Luchon et le lendemain la montée du col de Peyresourde dans la chaleur lourde de l’après-midi avec les attaques de grosses mouches. Nous avons gravi les cols d’Aspen et du Tourmalet dans la même journée avec départ à l’aube, avec sacoches, mais nous prenions notre temps et n’hésitions pas à nous arrêter. Pas de cartes à pointer, pas de temps limite, la liberté ! En montant doucement le Tourmalet, nous avons rejoint une équipe de trois cyclos arrêtés dans un virage et, surprise, c’était des nantais avec qui nous avons aussitôt sympathisé. Il s’agissait de Claude Fleury, Guy Mayadoux et un troisième, que l’on ne connaissait pas encore. Nous avons continué ensemble par le Soulor et l’Aubisque, dans une ambiance des plus joyeuses. À Saint-Jean Pied de Port, nous avons rempli nos bidons de Mascatel et choisi force suppléments dans les repas aux restaurants… car pour rouler, il faut manger. C’était très gai. Ensuite, nous avons passé plusieurs jours ensemble à Hendaye et nous sommes remontés en train à Nantes. »
« Je me souviens aussi de ces séjours à Monein dans le Béarn, en 78/79, en compagnie d’André Martin et de René Hervouët dans une région aux paysages magnifiques mais très accidentés comme le col de la Marie-Blanque et, pour finir, le Jurançon avec visite des caves et chargement des bouteilles dans le coffre des voitures. »
Robert est un adepte des Semaines Fédérales qu’il a commencées à Mont de Marsan et finies à Saumur, mais il a aussi beaucoup fréquenté les concentrations de la Pentecôte.
Il défend l’essence même de notre sport c’est à dire un cyclotourisme contemplatif et convivial ; voir et regarder la nature sont ses règles de vie ; il pratique réellement le tourisme à vélo.
Aujourd’hui bien sûr, il a réduit ses ambitions, mais le vélo garde une place éminente. Il roule le jeudi et le dimanche avec des circuits autour de 50 km. Et si parfois il faut terminer une côte à pieds car le souffle ne suit plus, il le fait avec sérénité, en n’oubliant pas de regarder le paysage au tour de lui. Dame, à 90 ans, on ne se refait pas !
Il garde toujours l’esprit de découverte et le plaisir des sites traversés et note avec malice « Mes itinéraires sont toujours repris. »
Quand un médecin lui conseille d’arrêter il pressent l’erreur de prescription et note gravement « Elle ne connaît pas le vélo ! » Car comment considérer qu’une activité qui vous a valu tant de bons moments partagés et vous a maintenu en forme jusqu’à 90 ans, puisse être nocive ? Arrêter le vélo, quelle idée, pourquoi pas arrêter de respirer ? « Le vélo, dit-il, me permet de rester en contact avec les copains en gardant une activité physique régulière, pratiquée en toute sérénité, en n’oubliant jamais de regarder le paysage autour de moi. » Et toujours avec un grand intérêt pour le festif car Robert est membre de plusieurs associations. Chaque année, en juin, il organise pour le club un pique nique à la Pierre Percée sur la Divatte qui réunit souvent une trentaine de personnes avec les cyclos qui ont effectué avant des sorties à « thèmes » comme voir une collection de vélos anciens ou de voitures, visiter un chenil ou découvrir une voie verte…
Joyeux Anniversaire cher Robert et sois sûr que, même si cela choque ta modestie, plus d’un cyclo du Club aimerait te ressembler au même âge ! Partage d’ailleurs ce compliments avec les autres anciens de l’UCNA que nous honorons aussi aujourd’hui à travers toi : je pense à … les citer.
À travers toi, Robert, nous fêtons tous les anciens ! Nous sommes heureux de votre présence et vous souhaitons encore de longues années de bonheurs à vélo dans un club centenaire !
Une réflexion au sujet de « 90 printemps, quel bel automne ! »